Recomended

الأحد، 3 أبريل 2011




Quand un père «explique le sexe» à sa fille

Rev Med Suisse 2010;6:1844-1845

Tous ceux qui s’intéressent à la vulgarisation médicale et scientifique dans l’espace francophone se souviennent certainement de l’ouvrage Biologie des passions[1] dans lequel le neurobiologiste français Jean-Didier Vincent «dépassant le clivage traditionnel entre le corps et l’esprit » proposait de nouvelles réponses scientifiques à des questions aussi vieilles que l’humanité peut l’être : qu’est-ce qu’aimer ? Peut-on expliquer l’amour de Roméo pour Juliette ? Qu’est-ce que le désir, le plaisir et la douleur, le goût du pouvoir et de la domination ? Ambitieux, l’auteur y proposait rien moins qu’une nouvelle «théorie des émotions» visant «à harmoniser notre conception de l’homme».
Depuis un quart de siècle, Jean-Didier Vincent a creusé son sillon vulgarisateur et beaucoup écrit, que ce soit sur la nouvelle physiologie du goût, la définition de l’homme, la contagion du plaisir, le désir et la mélancolie, l’intérieur de la boîte crânienne, le caractère sacré ou non de la vie ou encore, il y a peu, sur Elisée Reclus, (1830-1905) «géographe, anarchiste, écologiste». Elisée Reclus né comme l’auteur à Sainte-Foy-la-Grande, dans le département français de la Gironde.
Et puis, il y a quelques jours, un nouvel ouvrage qui s’inscrit quelque peu en marge de la foisonnante production précédente ; quoique. Un opuscule de 85 pages au titre qui ne peut que laisser songeur : Le sexe expliqué à ma fille.[2] Cours d’éducation sexuelle ou entreprise aux frontières de la perversité ? Ni l’un ni l’autre. Mais bien au contraire un dialogue hors du commun jouant sur la vaste gamme qui va de la physiologie du coït à la poétique amoureuse, de la défloraison à la prostitution ; un dialogue qui est aussi un voyage à différents niveaux de vulgarisation, intégrant la génétique et la neuroendocrinologie pour ce qu’elles participent, chez les animaux comme chez les hommes, aux pulsions sexuelles indispensables à la reproduction des espèces. Ainsi qu’une longue tentative pour faire la part entre la pulsion et la passion, le sexe et l’Amour.
Le sexe expliqué à ma fille. La fille de Jean-Didier Vincent, né en 1935, se prénomme Felicity. Elle est aujourd’hui âgée de treize ans et sa mère est à la fois anglaise et sexologue. Dialogue d’autant plus étonnant quand on écoute le père passer à confesse. «Malgré les années passées à étudier le rôle du cerveau et des hormones dans la sexualité animale et en dépit d’une paillardise acquise dans les salles de garde, je conserve une timidité exquise et une réserve craintive à l’égard de cet "autre" au mystère impénétrable qu’est la femme pour l’homme, avoue-t-il. Conformiste de nature, je pensais que c’était aux mères d’expliquer à leurs filles tout ce qu’elles devaient savoir sur le sexe et les garçons, quitte à leur transmettre tous les clichés, sottises et fables qu’elles tenaient de leur mère et parfois aussi les impressions désastreuses venues de leur propre expérience de terrain. »
Au total, rien d’indécent, rien d’inconvenant même si certaines questions pourront étonner dans le cadre d’une relation père-fille. Le caractère cocasse de l’affaire est que, face à l’impatience de cette «teenager débutante», le père a une tendance naturelle à remonter aussitôt en chaire et à y retrouver son jargon de savant. Mais il lui faut vite revenir sur «le terrain» : la masturbation, les règles à venir, la douleur de la défloraison, l’appétit grandissant des garçons «qui ne pensent qu’à ça», les «partouzes» entre adultes consentants, l’homosexualité ou les transsexuels (chez lesquels il prend le risque de ne voir qu’«une sorte de délire»)…
Puis, dès qu’il a expliqué les tourments et les joies mêlées de la chair, il remonte sur l’estrade et prêche pour sa paroisse : convaincre son prochain que dans l’espèce humaine «nécessités biologiques et représentations culturelles sont inséparables», que le sexe «est une péripétie de l’amour, nécessaire, mais pas suffisante», martèle que c’est à la lumière de l’amour tel qu’on le fait, que le sexe peut être expliqué : la reconnaissance de l’autre ; le désir et le plaisir indissociables dans le jeu des rencontres ; la reproduction en vue d’assurer la pérennité de l’espèce.
  • La fille : «Quelle attitude adopter lorsque la fille a succombé à l’invitation pressante du garçon ?
  • Le père : La première fois que tu verras un garçon bander ou que tu percevras son érection à travers ses vêtements, cela ne devrait pas t’effrayer mais au contraire te rassurer ; car c’est un signe qu’il te désire. Je ne dis pas qu’il t’aime ; encore que comme tu l’as vu la différence entre sexe et amour est bien difficile à faire. (…) Avec un peu de bonne volonté vous arriverez au coït avec pour toi une épreuve supplémentaire qui est la déchirure de l’hymen, la membrane qui obstrue partiellement les voies sexuelles. C’est à la fois douloureux et saignant. La tendresse, la gentillesse, la douceur timide de ton partenaire prolongeront peut-être la chose, mais te feront aussi, un peu plus tard, crier de bonheur dans la joie d’être devenue femme. Je ne te souhaite pas d’offrir ta virginité à un adulte blasé et expert en "dépucelage". Il faut faire confiance à l’amour nouveau-né et éviter autant que possible son aspect grimaçant et lubrique.»
  • Le père (à propos de l’acte sexuel) : «Retombons sur terre. Je vais essayer de te décrire maintenant l’acte sexuel lui-même. (…) La méconnaissance par le garçon des parties génitales de la femme est souvent abyssale, comme s’il avait peur d’y toucher et que le clitoris restait un objet mystérieux, soigneusement enfoui dans un capuchon qu’il n’ose pas soulever. (…) Vient enfin la pénétration : les caresses préliminaires ont entraîné des sécrétions au niveau de la vulve au centre de laquelle se trouve l’entrée du vagin. C’est très beau un sexe de femme avec son Mont de Vénus qui surplombe la vallée bordée par les grandes et petites lèvres d’un rose humide et chatoyant.
  • La fille : Et papa, tu t’y crois ou pas ?»
«S’y croit-il» Jean-Didier Vincent ? Vers la fin de l’ouvrage, il a cette confidence : «Je me demande parfois si l’amour n’est pas la seule chose qui ait compté dans ma vie : j’entends l’amour fabuleux de mes parents et celui de quelques femmes. »
[1] Vincent JD. Biologie des passions. Paris : Editions Odile Jacob 1986, 1994, 1999. ISBN : 978-2-0200-9040-7. [2] Vincent JD. Le Sexe expliqué à ma fille. Paris : Editions du Seuil, 2010. ISBN : 978-2-02102166- 0.

0 التعليقات:

إرسال تعليق